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CHACUN SON MÉTIER...

…et les vaches seront bien gardées ». Cet aphorisme, transcrit d’une écriture nerveuse en encre verte et cerné d’un simple cadre en bois, était accroché derrière le bureau de mon père. D’autres adages et proverbes d’origines diverses l’accompagnaient et constituaient le seul décor de son bureau autrement austère, à son image. De nature plutôt taciturne, il évitait les discussions futiles sur le temps ou la politique, les qualifiant de « discussions oiseuses ». Par contre, il accordait une certaine importance à émettre des principes dans de courtes phrases dans lesquelles il concentrait des perles de sagesse, acquises tout au long de sa carrière.

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Par exemple, un autre cadre contenait cette sentence : « Chaque chose à sa place et une place pour chaque chose ». Il mettait d’ailleurs ce principe dans la façon dont il tenait son bureau : pas un papier ni un dossier ne traînait devant lui. Dès qu’il recevait un document, il s’arrangeait pour le remettre à un subalterne, généralement avec une courte instruction sur la façon d’en disposer.

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Ou encore cet autre proverbe de son cru : « Traite bien ton client. C’est capital ». Je me souviens encore qu’il avait pris du temps à me l’expliquer en soulignant que le mot « capital » était employé dans deux sens, celui de l’importance de bien traiter son client, pour tout homme d’affaires qui se respecte. Et surtout que ce client constituait un capital essentiel à la bonne marche des affaires.

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Mais des six ou sept de ces aphorismes, celui que j’ai toujours préféré est celui des vaches et du métier de les garder. Plus tard dans ma carrière en ressources humaines et en recrutement de cadres, je me suis appliqué à suivre ce principe pourtant bien anodin. Trouver la bonne personne pour accomplir une certaine tâche. Cela semble simple et pourtant c’est un défi constant que doit relever toute organisation qui veut bien servir ses clients et grandir.

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Cet adage sous-entend que chaque employé, à quelque niveau que ce soit, exerce un métier pour lequel il se qualifie. Et pas un autre. Un comptable ne s’improvise pas plombier, par exemple. C’est un résumé rapide de la morale exprimée. Et si chacun dans une société exerce bien son métier, tout ira pour le mieux…et les vaches seront bien gardées!

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Pour exercer son métier, quel qu’il soit, un individu doit non seulement acquérir des connaissances pour développer ses talents innés mais il doit nécessairement avoir de l’expérience pratique. Il doit mettre à l’épreuve ce qu’il a appris, tester ses connaissances et assimiler les résultats obtenus. C’est seulement ainsi qu’il excellera dans son métier.

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Garder un troupeau de vaches n’est pas une sinécure. Le vrai gardien doit savoir le mener vers le bon pâturage sans perdre une seule bête; savoir siffler le chien qui l’aidera dans sa tâche; savoir reconnaître les signes avant-coureurs d’un orage ou d’une sécheresse, ou encore interpréter les traces sur le sol pour identifier la menace d’un animal prédateur.

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Bref, cela prend des années pour devenir un bon cow-boy. Un analyste financier, un électricien, une danseuse-étoile ou une vice-présidente aux finances ne peut tout simplement pas s’improviser gardien d’un troupeau de vaches. Et l’inverse est sûrement vrai.

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La personne, ou le comité, responsable de la sélection du candidat finaliste peut se tromper parfois. L’erreur est humaine. Certains candidats sont de nature fourbe et leurs boniments peuvent être convaincants. Il est toujours possible à des imposteurs de flouer leurs interlocuteurs. Cela peut arriver : la sélection de la bonne personne à un poste donné n’est pas une science exacte, malgré tout ce que l’on pourrait croire.

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Il y a quelques années, une importante chaîne de matériaux de construction aux États-Unis, avait nommé président un cadre supérieur réputé en finance. À un journaliste qui lui demandait s’il avait les compétences pour gérer une entreprise de ce genre, cet ex-banquier avait répondu qu’il n’était pas nécessaire de savoir manier un marteau pour diriger une quincaillerie. Diriger, c’est diriger, après tout! s’était-il contenté de répondre. Quelle erreur ! Au bout de deux ans, ce cadre avait dû quitter l’entreprise après des résultats désastreux.

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Si vous apprenez que l’on va confier la construction d’un réseau de transport à un gestionnaire de portefeuille, vous vous poserez de sérieuses questions sur la faisabilité ou le succès d’une telle entreprise. Avec raison.

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Est-ce que vous confieriez une entreprise de gestion immobilière d’envergure au premier venu ? Même s’il a une forte propension à exagérer ses qualifications et ses talents de visionnaire, de gestionnaire et de leader, vous ne serez pas à l’aise de nommer à la tête d’une telle société un chef d’orchestre, un directeur de fabrication de turbines ou un responsable des ressources humaines. Poser la question c’est y répondre. On ne peut s’improviser magnat de l’immobilier du jour au lendemain. Pourquoi donc un magnat de l’immobilier pense-t-il pouvoir devenir autre chose et assumer un rôle dont il ne sait absolument rien? 

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Et maintenant, considérez ceci : un individu sans aucune expérience probante et pertinente a réussi le coup le plus fumant de l’histoire de l’humanité. Il a réussi à se faire élire Président des États-Unis sans aucune expérience dans ce genre de métier. Il a réussi à berner tous les comités de sélection, à tous les niveaux, y compris des centaines de milliers d’électeurs! Est-ce grâce aux talents de fumiste du candidat ou à celui de la bêtise congénitale de ceux qui l’ont élu? L’histoire nous le dira un jour.

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Entretemps, les vaches risquent de ne pas être bien gardées…

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