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L'OISIVETÉ AU TEMPS DU CONFINEMENT : LA CUISINE (2ÈME PARTIE)

(Suite) En cuisine, s’exclameront certains?

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Le confinement a cet avantage de nous faire prendre conscience des petites choses qui rendent l’isolement un peu plus confortable. Manger est un de ces rituels incontournables et nécessaires de notre quotidien. Les restaurants étant fermés, il ne restait plus qu’à se faire plaisir et « se concocter de bons petits plats… ». Mon oisiveté m’a mené à ce constat, un petit pas me séparait de ce plaisir anticipé de déguster mes « œuvres culinaires », pas que j’ai franchi allègrement!

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Il est important, au départ, de démystifier la cuisine. Pas besoin d’être expert en art culinaire pour faire une bonne cuisine, de savoir mélanger des épices, de touiller des sauces ou même de créer des plats savoureux. Certains prétendent que la cuisine, même la plus originale, n’est que de la chimie appliquée. D’après eux, il suffit de connaître les réactions de telles épices, l’agencement de tels légumes ou l’assemblage de quelques ingrédients et saveurs pour réussir un bon plat.

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Rien n’est plus faux! Tout ce dont vous avez besoin c’est d’une bonne recette que vous suivrez méthodiquement et les conseils avisés d’un mentor. Si ces conditions sont réunies, vous voilà promu chef-cuisinier.

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Je parle d’expérience…

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Pour savoir cuisiner, il faut aimer manger. C’est une condition sine qua non pour la formation d’une certaine mémoire gustative et sensorielle qui guidera votre inspiration ainsi que les transformations et les corrections en cours de route.

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J’ai recours à trois sources d’inspiration : le site du magazine Epicurious, la section culinaire du New York Times ainsi que le site de Ricardo Larrivée. Ils ont l’avantage d’offrir des recettes originales et fiables dont la simple lecture vous met l’eau à la bouche, élément essentiel pour déclencher votre désir de cuisiner.

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C’est sans compter sur l’apport inestimable de mon mentor, Halette, la véritable cheffe de notre cuisine. Ses connaissances, sa mémoire et sa créativité sont immenses et sans elle mes « œuvres » seraient insipides et ennuyeuses.

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Au cours des derniers mois, pandémie et réclusion obligent, je me suis donc lancé dans la préparation de toutes sortes de plats. L’aventure débute toujours par la lecture d’une recette alléchante et me voilà parti pour m’approvisionner en légumes, fruits, viandes, épices et autres ingrédients essentiels. Cette lecture attise ma curiosité et ma faim. Généralement, elle est la source de certaines modifications que vient corroborer mon mentor!

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Certains plats apportent réconfort et sérénité, de quoi se réconcilier avec un monde turbulent et anxiogène. Le pastitsio, malgré sa consonance italienne, est un plat de macaroni d’origine grecque. Dans un plat allant au four, étalez des bucatini al dente mélangés à une sauce tomate à la viande, recouverts d’une bonne couche de béchamel, elle-même garnie généreusement de parmesan ou de pecorino. Sorti du four, ce plat s’accompagne d’un bon vin italien et vous voilà revigoré et prêt à affronter une série télévisée en rafale…repu , béat, heureux! Une recette toute simple dans laquelle j’ai remplacé la vulgaire sauce tomate par mon ragù bolognese, une heureuse façon d’inclure un peu de ma créativité!

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Le pastitsio

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Un autre plat réconfortant et généreux qui vous procurera un sourire de bonheur est une maqlouba (traduction : la renversée), une spécialité de Palestine qui se présente sous la forme d’un gâteau. C’est un savant mélange de poulet, aubergines, oignons, choux-fleurs délicatement parfumé d’arômes de cardamone, de cumin et de clous de girofle. Un délice qui fera l’unanimité et réconciliera les plus belliqueux.

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La maqlouba

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Au chapitre des plats réconfortants et goûteux, on pourrait inclure les soupes et les potages composés de légumes variés, servis entiers façon minestrone ou passés au moulin façon crème. Une soupe, c’est la façon civilisée de débuter un repas, du plus simple au plus élaboré.

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La crème de poireaux                                                                                                                 Le minestrone

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Faute de voyager, la cuisine a été, ces derniers mois, une excellente façon de voir du pays. Confortablement installé dans notre foyer, nous avons fait un tour du monde…culinaire! Ainsi avons-nous visité des pays lointains comme la Chine. Oubliez le poulet du Général Tao servi dans tous ces bouis-bouis d’Amérique du Nord. Ce plat est presqu’inconnu en Chine! Quand je l’ai déniché dans Epicurious datant de 2017, sous le titre de « Easy General Tso chicken »), il me fallait l’essayer. Ah! Quel bonheur!

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Le poulet du Général Tso

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Parmi les pays dont nous avons adopté certaines spécialités, notons le Maroc avec sa shakshouka. Ce plat est une sorte de frittata à laquelle on ajoute poivrons, tomates, ail, oignon et fromage feta, relevée d’épices telles que cumin, paprika et poivre de Cayenne. Vous cuisez le tout dans une grande poêle et y faites frire des œufs.

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La shakshouka

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Le Maghreb est à l’origine des tagines, une spécialité faite de viandes ou de poissons cuits à l’étouffée, dans des plats de terre à couvercle conique et cuisinés avec des oignons, des fruits secs, des pois chiches, des épices variées et des amandes. Nous avons fait une brève une incursion dans ce beau pays grâce au tagine d’agneau aux pruneaux, d’après la recette de l’ami Ricardo (mais de grâce, ne lui dites pas que j’ai remplacé les pruneaux par des abricots…).

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Le tagine d’agneau aux abricots

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Nous sommes allés en Russie avec un succulent Koulibiac. Un saumon recouvert de riz, d’épinard et d’œufs durs, caché sous une croûte de pâte feuilletée. Un peu plus compliqué dans sa préparation et son assemblage mais quel effet pour épater les convives, qui se limitaient à mon fils et sa famille, pour se conformer aux règles sanitaires en vigueur. Le koulibiac n’est pas sans rappeler le fameux bœuf Wellington dans sa présentation, mais là s’arrête toute ressemblance. Un délice partagé qui a fait l’unanimité!

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Le koulibiac entier et tranché

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Nous avons fait également un saut en bord de mer, question de nous replonger dans nos habitudes espagnoles. Quoi de plus savoureux que des sardines à la plancha accompagnées d’un blanc sec de Valence (El Bonhomme 2018 – SAQ – 19.05$) et le tour est joué! Un repas léger, riche en Omega-3, protéines et vitamines de qualité.

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Les sardines à la plancha

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L’Italie n’a plus de secret pour nous, côté cuisine. Mon ragù bolognese a fait ses preuves et des convertis en réclament fréquemment. À cela s’ajoutent diverses déclinaisons de sauces tomates. Pour celles-là je suis attentivement les recettes de Marcella Hazan, la grande-prêtresse des fourneaux de ce pays. Par ailleurs, j’ai trouvé la recette de pâtes préférées du Commissaire Montalbano, héros des romans policiers d’Andrea Camileri. Les fameuses Pasta ‘ncasciata dont la lecture seule fait saliver. Une heure et demie de préparation : un ragù auquel on ajoute des aubergines frites assemblés à des rigatonis et recouvert de béchamel, de fromage caciocavallo, le tout passé au four quelques minutes…Une sorte de Pasta alla Norma mais plus compliquée et plus goûteuse, si cela est possible. À manger à genoux! Difficile de se lasser de la cuisine sicilienne!

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Les pâtes ‘ncasciata

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Il ne sera pas mention ici de ce magnifique foie de veau à la vénitienne, sachant que plusieurs personnes sont rébarbatives aux abats. Tant pis! Sachez simplement que ce fut un régal!

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Un petit saut sur la Côte-d’Azur s’impose quand on est coincé chez soi par un jour de pluie. Pourquoi pas un pan-bagnat ou une pissaladière pour mettre un peu de soleil dans votre assiette? Des en-cas faciles à préparer pour midi avec un verre de Costières de Nîmes. Toutes les saveurs chantantes du Midi à croquer à belles dents!

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Le pan-bagnat

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Après l’Italie, la France, l’Espagne, la Grèce, un arrêt en Turquie pourrait être agréable, on y mange assez bien merci! C’est une cuisine qui nécessite beaucoup de temps de préparation, comme celle de Syrie ou du Liban d’ailleurs. Les sambouseks sont de petites pochettes faites de pâte brisée achetée en commerce et farcies de chair d’aubergines grillées, de fromage, de viande ou de tout ce qui vous plaira. Théoriquement, elles devraient être frites. Mais pour éviter les lourdeurs stomacales, ces pochettes peuvent être enduites d’huile et passées au four quelques minutes. Pour accompagner un apéritif, il ne se fait pas mieux!

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Il y aurait tant à dire sur les différents plats du Moyen-Orient, Égypte, Syrie, Liban. Mais je les passe sous silence car il manquerait d’espace. Sans compter que cela pourrait causer des indigestions à certains! Peut-être dans une prochaine Chronique. Soyons optimistes : le temps du confinement est loin d’être terminé et nous avons encore plusieurs repas à planifier…

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Parlons dessert, si vous voulez bien. Mon cheval de bataille a été, de l’avis unanime, la tarte Tatin. J’ai mis « le métier à l’ouvrage » par trois fois, améliorant le résultat à chaque tour. Il fallait non seulement bien doser les ingrédients, mais surtout, maîtriser les caprices des ustensiles et du four. Puisque cela coïncidait avec la saison des pommes, nous avons donc été en cueillir pour ensuite les apprêter sur-le-champ.

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La tarte Tatin

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Un autre dessert, typiquement égyptien celui-là, est venu clore ces agapes : le célèbre Om-Aly, une sorte de pudding-chômeur à base de pâte filo, de lait et de crème, recouvert de noix, d’amandes, de pistaches et de raisins secs. Et du sucre à volonté, bien sûr.

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Comme plusieurs apprentis-cuisiniers, j’ai voulu faire des baguettes maison. Bien que l’expérience soit amusante et le résultat fort respectable, elle ne vaut pas l’effort. Il faut prévoir une bonne journée de travail ou plus, question de permettre à la pâte de lever entre plusieurs périodes de pétrissage. Et dire que j’ai dû, comme tout le monde, affronter la disette de levure et de farine qui a sévi au tout début de la pandémie…

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Cuisiner n’est pas une affaire de plats compliqués. Des mets à base d’ingrédients frais, un simple sandwich ou un amuse-gueule peuvent être source de joie autant qu’un plat monté au nom pompeux et exotique. Parfois faire simple est encore meilleur…

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Cuisiner est un art et une science. Il faut comprendre un minimum de chimie, la transformation des ingrédients et leurs réactions réciproques sous l’effet de la chaleur, du froid, du mouvement. Pour savoir cuisiner il n’est pas obligatoire d’être un scientifique, comme il n’est pas non plus requis d’être un artiste. Juste un peu de curiosité, de courage pour innover, de goût pour ajuster et de gourmandise pour savourer sans se lasser!

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La cuisine peut être aussi une grande école. C’est là où j’ai appris, surtout, la patience. Je suis d’un naturel expéditif, soucieux d’atteindre mon but rapidement, parfois en essayant de hâter un processus, de sauter une étape, de prendre un raccourci indu. Hausser la température sous une marmite ne permettra pas d’achever le plat plus rapidement. Bien au contraire. Je l’ai appris à mes dépens à plusieurs reprises. Il faut laisser du temps aux ingrédients afin qu’ils dégagent leurs saveurs et leurs arômes, pour qu’ils fusionnent entre eux et s’échangent leurs caractéristiques individuelles pour en faire une nouvelle qui donnera toute sa richesse au plat cuisiné. C’est l’exemple par excellence de la synergie : un plus un égale trois!

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La cuisine m’a aussi permis de canaliser ma créativité vers une nouvelle sphère d’activité. Combinée à ma curiosité et à ma gourmandise innées, celle-ci a trouvé une nouvelle voie (voix?) pour s’exprimer. Une recette demeure juste une idée de départ qui va en se transformant au gré de l’inspiration du moment. Il m’est d’ailleurs impossible de reproduire exactement une recette, car à chaque fois elle est changée, un peu ou beaucoup!

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La cuisine peut être source de grande satisfaction. Elle l’est dans mon cas grâce aux encouragements des convives et leur regard satisfait et repu après avoir dégusté un de mes plats. Cette appréciation est certainement une des raisons qui m’incite à poursuivre cette expérience et cette découverte.

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En définitive, s’il y a amélioration dans ma performance culinaire, c’est en grande partie dû aux encouragements, aux conseils, aux mises en garde, aux raccourcis, au goût très sûr et, sans doute aucun, à la vaste et profonde expérience de mon mentor, Halette, à qui je rends ici mes hommages et mes remerciements sincères.

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C’est également ma commensale préférée…


 

(Fin)

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