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ISTANBUL

Résumé : Le Chroniqueur a visité Istanbul en novembre 2010, lors d’un périple autour de la Méditerranée. Il a été fasciné par la grandeur, l’histoire et l’art de cette capitale, véritable trait d’union entre l’Orient et l’Occident.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il faut s’entendre, au départ, sur le fait qu’il est impossible de prétendre connaître Istanbul en cinq jours, durée de notre passage dans cette mégapole de quinze millions d’habitants. Bâtie sur sept collines, comme Rome, Istanbul enjambe deux continents et s’étend à l’infini face à trois bras de mer d’une importance stratégique capitale : le Bosphore, la mer de Marmara et la Corne d’Or. Elle constitue un véritable carrefour entre le Nord, le Sud, l’Asie et l’Europe. C’est une ville aux visages multiples, aux senteurs d’épices et aux couleurs d’arc-en-ciel et c’est aussi le berceau de notre histoire.

 

Istanbul nous étonne par sa capacité d’absorber les courants qui la traversent et de les fusionner en une culture qui n’est ni occidentale, ni asiatique, ni orientale, ni musulmane, ni orthodoxe, mais tout cela à la fois et autre chose aussi. Elle nous fascine par sa richesse, son modernisme et son dynamisme. Elle grouille d’activités trépidantes et sonores. Pourtant, elle fait montre d’une certaine retenue et son exubérance semble contrôlée. Sous ce vernis de fébrilité et de nervosité active, on peut déceler cette même douceur de vivre typique des villes méditerranéennes. Le climat y est sans doute pour beaucoup, ainsi que l’éclat du ciel et de la mer qui la cernent de toutes parts. Surprenante, Istanbul peut se révéler à la fois originale et familière au touriste qui la visite pour la première fois. Sans doute que son modernisme et l’influence européenne atténuent en quelque sorte le dépaysement et le visiteur perçoit graduellement toute la texture culturelle complexe de cette capitale.

 

De la terrasse de l’hôtel situé dans le quartier de Sultan Ahmet, le touriste jouit d’une magnifique vue sur toute la ville sur 360 degrés. Au sud, la mer de Marmara débouche sur la Mer Égée et la Méditerranée. Elle est parsemée de cargos et de bateaux de croisières entrant au port. Au nord, le Bosphore coule, majestueux, miroitant de mille feux et au loin, le pont de Galata relie les deux continents. Le paysage urbain est piqué d’élégants minarets élancés vers le ciel.

 

Au cœur de la ville ancienne, les sites historiques foisonnent et il est agréable d’arpenter les rues sinueuses de ce quartier. La Mosquée Bleue et Hagia Sofia rivalisent de beauté, séparées par un grand parc, le palais de Topkapi, la Citerne-Basilique, l’Hippodrome et l’enfilade des trois colonnes : l’Obélisque de Théodose, le Million et la colonne Serpentine. Mais de tous les monuments grandioses de la ville, ceux qui retiennent l’attention sont, sans doute aucun, Hagia Sofia et la Mosquée Bleue de Sultan Ahmet.

 

Bien que construites en des siècles différents, Hagia Sofia et la Mosquée étonnent par la finesse de leur art, leur architecture révolutionnaire ainsi que par le travail remarquable de la mosaïque et de la céramique. Celle-ci est à base de quartz, spécialité d’Iznik, et les motifs floraux semblent vibrer sous la lumière. Les sultans ottomans privilégiaient l’usage de végétaux et les formes géométriques où dominaient toutes les teintes de bleu. Ces dessins demeurent d’une remarquable fraîcheur et invitent au recueillement et à la prière.

 

Il est difficile de ne pas s’émouvoir devant la taille immense de Hagia Sofia et de sa coupole gigantesque. Elle précède celle du Duomo de Florence d’environ 700 ans! Inaugurée en 537, elle démontre bien que les architectes de l’époque avaient résolu les problèmes de support et de structure bien avant leurs confrères florentins. Les mosaïques sont un peu délavées, mais d’une grande sobriété. Avant tout, c’est la taille gigantesque de la cathédrale qui surprend, car si elle paraît massive de l’extérieur, à l’intérieur, les énormes piliers ont été savamment cachés et la coupole semble flotter au-dessus de nos têtes. Cet édifice pouvait facilement rassembler 10 000 personnes pour une cérémonie religieuse. Après la chute de Constantinople, en 1453, on le transforma en mosquée et en 1923, elle devint officiellement un musée ouvert à l’admiration du monde entier.

 

La Mosquée Bleue, construite par le Sultan Ahmet au tout début du 17e siècle, vous transporte dans un monde de calme et de sérénité. L’extérieur est imposant, mais il est équilibré par la finesse remarquable de six minarets qui s’élancent vers le ciel. À l’intérieur, les vitraux de plus de 260 fenêtres, travail d’artisans de Venise, distillent une lumière tamisée quasi magique qui met en relief ces céramiques bleues à motifs floraux recouvrant les murs. D’épais tapis atténuent le bruit alors que quelques personnes continuent leurs dévotions, nullement dérangées par les allées et venues des touristes. On sort émerveillé par la majesté et la simplicité de ce lieu de prière. Enfin, on débouche sur une immense cour carrée, cernée d’un promenoir, comme dans un cloître, avec en son centre, un bassin pour les ablutions rituelles.

 

Pour sortir de cette langueur religieuse que peuvent inspirer ces deux monuments grandioses, il faut rapidement se diriger vers le Grand Bazar! 4000 boutiques sur des kilomètres de ruelles étroites et sinueuses, couvertes et à l’abri des sautes d’humeur du climat. Ici, les marchands sont regroupés par types de produits et d’artisanat allant du bijou au tapis, de la céramique au cuir, sans oublier les vendeurs de thé, de babioles, d’antiquités, de narguilés et de verroteries… Une foule grouillante venue des quatre coins du monde court et se dépêche à la recherche de l’aubaine. Les marchands à l’œil vif perchent sur le pas de leur boutique et vous invitent à entrer, à tâter, à admirer et à offrir un prix pour leur marchandise, n’importe quel prix. Si on sait s’y prendre, il y a de bonnes occasions dans le Grand Bazar, mais il faut être patient et se prêter au jeu des palabres et de la négociation.

 

Le Bazar égyptien d’Istanbul n’a rien d’égyptien. C’est là que l’on trouve toutes les épices d’Orient, aux mille couleurs chatoyantes et qui constituent une véritable découverte pour les sens. On admire les fleurs séchées de rose, d’hibiscus, d’oranger, de tilleul, des herbes et des poivres, de la cannelle et des montagnes multicolores aux parfums enivrants. On peut goûter aux noix et aux pistaches d’Antep et aux fruits secs venus des vallées d’Anatolie. On peut y dénicher des plantes médicinales rares, certaines pour ranimer la libido et d’autres pour baisser la pression sanguine. On y trouve des onguents pour se maquiller, des essences pour aromatiser des boissons ou encore des graines pour relever un ragoût d’agneau. Une promenade dans ce souk est une constante découverte des mille façons d’agrémenter la vie et d’y ajouter les couleurs du plaisir.

 

Il faut visiter le palais de Topkapi et la Sublime Porte, non seulement pour réaliser l’importance du harem dans la vie du sultanat, mais aussi pour admirer la fabuleuse collection de bijoux. Le harem avait à sa tête l’épouse de premier rang du sultan, rôle difficile qui pouvait être dévolu à sa propre mère, si elle était vivante. Le harem lui-même était régi par des règles très strictes de protocole, de traditions et d’obligations. Son aménagement est constitué d’un ensemble de bâtiments répartis sur six niveaux, assez grands pour accommoder les femmes et les concubines du sultan (certains en ont eu plus de 300). Pourtant, cela semble petit et même étriqué. Peut-être est-ce parce que l’on n’a accès qu’à quelques pièces de l’ensemble?

 

Le palais de Topkapi pouvait abriter quelques milliers de personnes, y compris les eunuques, les domestiques et les fonctionnaires. Ce palais était également le siège du gouvernement et de la justice. Certaines des pièces sont impressionnantes, d’autres sont d’une grande banalité. Par contre, Topkapi recèle des trésors fabuleux : des épées, des dagues incrustées de pierreries inestimables, des diadèmes, des parures, des gobelets, des ustensiles de table. Pour couronner le tout, un énorme diamant de 86 carats, le 5e plus gros au monde, brillant de tous ses feux.

 

Pour revenir sur terre, aux choses simples et sobres, rien de tel que la visite d’une petite église oubliée des circuits touristiques : Kariye Muzesi (église St-Sauveur-in-Chora), un véritable bijou datant du début du 14e siècle. L’intérieur est recouvert de mosaïques byzantines éclatantes relatant la vie de la Vierge et du Christ. Elles méritent le détour même si l’église est située loin du centre.

 

Istanbul n’est pas seulement une ville-relique de l’Histoire. Pour constater sa modernité et sa jeunesse, il faut se rendre dans le chic quartier branché de Beyoglu. C’est là que l’on retrouve les grands hôtels, les consulats et les résidences bourgeoises.

 

Après avoir traversé la Corne d’Or par le Pont de Galata, un taxi vous mène au sommet de la colline Taksim. De là, vous pouvez emprunter une large voie piétonne — Istiklal — qui vous ramène au point de départ. Quelle ambiance! Quelle animation! On dirait les Champs-Élysées, la Cinquième Avenue, Florida Calle et Dung Khoi réunis! Les boutiques internationales, les grandes marques, les restaurants et les cafés attirent une foule immense qui déambule dans une atmosphère sereine, conviviale et joyeuse. Il faut jouer des coudes pour avancer, mais personne ne se presse ; on est là pour profiter du beau temps.

 

Les mets turcs peuvent être décevants pour ceux qui sont habitués à la cuisine méditerranéenne et moyen-orientale. Plusieurs plats ont, à la base, les mêmes ingrédients : aubergines, haricots, tomates, pignons, épices, noix, agneau, etc. Pourtant, leur cuisine est répétitive, grasse, lourde et, à la limite, indigeste. Il lui manque l’imagination, la variété et le raffinement qui sont le propre des cuisines syrienne et libanaise. Les mezzés, inventés par les Turcs pourtant, présentent un choix limité, monotone et décevant. Quant aux desserts, ils baignent généralement dans un sirop sucré qui étouffe le goût et ramollit le feuilleté.

 

Cinq jours à Istanbul sont nettement insuffisants. Ils peuvent donner l’impression que l’on a vu l’essentiel, alors que l’on a à peine découvert quelques-uns de ses visages multiples. Un visiteur non averti pourrait s’attendre à voir une ville encore ottomane et décadente, croulant sous le poids de son passé. Il aura le bonheur de découvrir, au contraire, une capitale fière, jeune et ouverte.

 

Istanbul vous prend à bras-le-corps et vous fascine par sa diversité, sa richesse culturelle, son dynamisme et sa hâte de modernité. Mais attention! Son étreinte est une caresse, son parfum est entêtant et capiteux, il s’incruste dans votre peau. Vous la quittez à grand-peine et elle s’éloigne de vous comme à regret. Elle exige de vous, en guise d’adieu, la promesse de revenir la visiter.

 

Peut-on la lui refuser?

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