LA PRINCESSE DE SIWA
Fatma court après le chamelon. Ses pieds s’enfoncent dans le sable chaud de la dune et elle a de la difficulté à garder son équilibre sur cette pente abrupte. Le petit chameau avance au trot et risque de se perdre dans l’immensité du désert. Abdel-Malek, le père de Fatma, est loin derrière elle, il s’assure que la caravane installe le campement pour la nuit. Fatma a un rôle important dans cette expédition qui traverse la mer de sable; c’est elle qui s’occupe des quatre chamelons et de la vingtaine de moutons et de brebis qui accompagnent la caravane reliant Jaroub, dans l’est du désert libyen, à Siwa, non loin de la frontière avec l’Égypte.
Fatma crie le nom du chamelon : « Reviens, Aliko! Cesse de courir! ». Alors qu’elle s’efforce de rattraper le chamelon, elle ne remarque pas le cheval noir qui arrive au galop et traverse les dunes à la vitesse de l’éclair. Debout sur ses étriers, le cavalier ressemble à un papillon néfaste, enrobé d’amples vêtements qui flottent au vent. Arrivé à la hauteur de Fatma, le cheval se cabre et le cavalier hurle en direction de la petite fille : « Qui es-tu? Que fais-tu toute seule ici? ». Prise de panique, Fatma répond les yeux baissés : « Je suis Fatma, la fille de Chérif Abdel-Malek, le chef de la caravane qui campe derrière ces collines… ». Elle tremble de tout son corps, elle reconnait le danger d’être seule, loin de son père, de ses frères et de la caravane.
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L’inconnu part d’un grand rire qui se répercute sur les dunes et se perd dans le sable. D’un mouvement souple, il se penche sur Fatma, passe son bras sous ses épaules et d’un geste brusque la hisse sur son cheval. Il la garde serrée contre lui et d’un coup de jambes, ordonne au cheval de s’élancer à travers les dunes. En quelques secondes, le cavalier et Fatma ont disparu à l’horizon et le silence du désert ne retient que le souffle du vent.
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Abdel-Malek, le chef-caravanier, est reconnu pour son courage, son honnêteté et son sens de l’orientation. La caravane qu’il mène aujourd’hui comprend près d’une centaine de chameaux et plus de deux cents bédouins qui se déplacent ainsi, protégés par le nombre et guidés par le sens aigu de l’orientation du chef-caravanier. Depuis bien des années, Abdel-Malek pousse ses convois de chameaux d’une oasis à l’autre, faisant commerce de sel, d’épices, de tissus et de babioles. Il fait partie de la tribu des Ibn-Taleb et il est apparenté à son chef, Salah, le seigneur de Siwa, avec lequel il entretient d’étroites relations commerciales.
Fatma a treize ans. Dès son tout jeune âge, elle traverse le désert à pieds, habituée à la chaleur brûlante du sable. Elle a appris à parler aux chamelons et à se faire obéir des brebis. Fatma a été initiée par son père à lire dans les étoiles pour trouver son chemin, à déterrer des racines qui regorgent d’eau et à capturer des serpents et des rapaces. Ses frères jumeaux, Hassan et Hussein, ses ainés de cinq ans, lui ont enseigné à survivre dans les conditions difficiles du désert, lors de jeux de nuit où elle devait affronter la peur et la solitude. Par sa mère, elle a été instruite à l’art de cuisiner, d’égorger le mouton lors de la fête du Eid et de lire l’avenir dans le marc de café.
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Les yeux verts de Fatma contrastent avec sa peau brune; ils dénotent sa grande intelligence et son énergie. Elle aime par-dessus tout s’occuper des bêtes qui accompagnent la caravane et elle a donné un nom familier à chacune d’elles. Chérif Abdel-Malek la couve constamment d’un regard bienveillant, il lui confie des tâches difficiles, il veut en faire son héritière. Il la surnomme « ma princesse ». Pour la protéger du mauvais œil, il lui a fait tatouer une main de Fatma sur l’épaule droite alors qu’elle n’avait pas deux ans, À sa femme qui lui reproche souvent de la gâter, Abdel-Malek répond avec un haussement d’épaule : « Fatma est la prunelle de mes yeux! ».
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Mokhtar est un pirate du désert, lui et ses hommes naviguent l’océan de sable en tous sens à la recherche de butins et de trésors. Bien souvent, ils ne récoltent que d’insignifiants trophées et des objets de peu de valeur. Ils courent alors les échanger dans les oasis situées dans cette région du Sahara, entre Tobrouk au nord, Jalo à l’ouest et Siwa à l’est. Leurs larcins ne leur rapportent que de maigres pitances et ils survivent péniblement dans ce climat torride. Cette bande de voleurs est reconnue pour la cruauté et le malheur qu’elle laisse derrière elle.
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Mokhtar sourit dans sa barbe. Il a vite saisi la chance qui se présente à lui. Une fille de cet âge, enlevée dans le désert, pourrait lui rapporter beaucoup d’argent au marché des esclaves d’Alexandrie. Le voyage en vaudra la peine. Ce marché est l’un des plus importants de l’est de la Méditerranée et approvisionne en chair fraîche les campagnes du Mont-Liban, les harems de Constantinople et les ateliers de Damas. Alors qu’il est emporté par le galop de son cheval arabe, Mokhtar fait et refait de savants calculs du prix qu’il exigera bientôt.
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Fatma tente désespérément de se libérer et gigote en tous sens. Mais d’un geste du revers de la main, Mokhtar l’assomme et elle perd connaissance. Elle ignore que son destin vient de basculer.
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Les dunes prennent une couleur ocre : le soleil va bientôt se coucher. Abdel-Malek est inquiet. Fatma, sa Fatma chérie, n’est pas de retour. Il ameute Hassan et Hussein; il leur ordonne de partir à la recherche de leur sœur. L’alerte est donnée, tout le campement se mobilise. Voilà bientôt deux cents personnes qui sillonnent le désert dans toutes les directions, hurlant à tue-tête le nom de Fatma. Deux heures passent, la nuit est tombée, toute la caravane se réunit autour du feu. Abdel-Malek fait le tour du groupe, pose des questions, se renseigne sur les traces laissées dans le sable, la direction des pas, des bêtes. Certains affirment avoir perçu des hennissements venant du nord, d’autres confirment que des traces de sabots ont été identifiées en direction ouest, bref, les renseignements ne concordent pas, toutes les hypothèses sont permises mais un fait demeure : Fatma est introuvable. C’est comme si elle a été engloutie par les vagues de sable.
La nuit se passe en conciliabule et les discussions tournent en rond. La fatigue gagne tout le campement. Seuls, Abdel-Malek et ses fils discutent sans relâche de la marche à suivre, tout en buvant du thé noir brûlant. À l’aube, la décision est prise. Abdel-Malek confie à ses fils la charge de poursuivre les recherches alors qu’il ordonne la levée du camp pour reprendre la route vers Siwa. Ils ignorent qu’ils ne se reverront que plusieurs années plus tard.
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Sept jours ont passé. Mokhtar et Fatma ont parcouru plus de six cents kilomètres à bride abattue, voyageant la nuit et se protégeant du soleil brûlant le jour. Ils font des arrêts fréquents et le pirate prend soin de ménager sa monture. Arrivés à Alexandrie, ils se mêlent à la foule bigarrée qui se presse dans le quartier du port où se trouve le marché aux esclaves. Les marchands venus d’Anatolie ou de Zanzibar se disputent l’étalage de leurs marchandises : des femmes blondes à la peau laiteuse, des noires d’ébène, des colosses d’Abyssinie et des nains des sources du Nil. On crie, on marchande et on harangue dans toutes les langues : arabe, grec, urdu, swahili, latin ou turc.
Mokhtar, lui, sans un mot, s’insère entre un géant piémontais et un vieillard asiatique proposant des esclaves presque nus. Il ôte les habits de Fatma et lui retient les poignets derrière le dos. Elle est humiliée et furieuse, elle veut crier mais Mokhtar la bâillonne. Elle pleure et prie Dieu pour que son père vienne la sauver. Elle veut cacher sa nudité, elle veut s’enfuir, elle veut que la terre la recouvre, elle veut…mais ne peut rien. Elle est désespérée.
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C’est à ce moment que passe un homme richement vêtu, suivi d’une petite troupe de serviteurs portant à bout de bras un palanquin. Derrière de lourds rideaux se cache une femme voilée. L’homme s’arrête, examine Fatma attentivement des pieds à la tête. Il se retourne vers le palanquin, soulève la tenture avec précaution et glisse quelques mots à la femme. Celle-ci jette un coup d’œil à la petite, fait un signe à l’homme et referme le rideau. L’homme entame alors de longues palabres avec Mokhtar pour convenir d’un prix. Il veut acheter Fatma mais il n’est pas dupe : il est fin connaisseur et habile négociateur. Au bout de plusieurs minutes, Mokhtar ramasse son argent, dégage Fatma de ses entraves, lui jette ses habits et s’enfuit dans la foule. Fatma est maintenant la propriété d’Ahmad El-Thawati Bey, un des plus importants négociants d’Alexandrie.
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Hassan et Hussein se sont séparés, chacun explorant une direction différente, ayant convenu de se retrouver à Bir-Massoud, dans le nord. Ils parcourent le désert inlassablement, questionnant chaque pierre, examinant chaque dune, étudiant chaque trace. En de rares occasions, ils interrogent une caravane qui serpente dans les sables. Rien. Leurs recherches sont vaines et quand ils se retrouvent une semaine plus tard au point convenu, Hassan et Hussein sont découragés et ils ont peur. Ils devront affronter leurs parents et leur annoncer que Fatma est introuvable. Ils craignent la réaction de leur père, ils savent toute l’affection qu’il porte à sa fille. Mais ils n’ont pas le choix. La mine basse, ils éperonnent leurs chevaux en direction de Siwa.
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Plusieurs semaines passent. Fatma s’est lentement acclimatée à son nouveau foyer. Elle a rejoint la quarantaine d’esclaves qui sont au service d’El-Thawati et de sa nombreuse famille composée de trois femmes, d’une douzaine de concubines et d’une vingtaine d’enfants en bas âge. Ils vivent dans une grande propriété située sur le chemin Canope. Fatma loge dans le quartier des serviteurs et partage une grande chambre avec six jeunes filles d’environ son âge. Au début, elle a eu de la difficulté à s’adapter à cet espace restreint, elle qui a vécu dans de vastes étendues désertiques. Elle souffre un peu de cette proximité et la nuit, elle a l’impression de suffoquer, tant le bruit de ses compagnes qui respirent bruyamment la dérange. Petit à petit, elle finira par s’habituer. Elle trouvera même un vague sentiment de sécurité à partager la chambre, entourée de compagnes venues d’un peu partout à travers le monde.
Mais elle a toujours de la difficulté à accepter la disparition de ses parents, le regard chargé d’amour de son père lui manque, tout comme les taquineries de ses frères. Elle a souvent des rêves vagues mais persistants où son père crie son nom dans le désert. Elle se voit courir vers lui mais n’avance pas et après quelques instants, elle est avalée par le sable mouvant. Elle pleure en silence et se réveille en sueur.
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La grande responsable des esclaves lui a assigné la responsabilité de s’occuper du petit Amir, le fils d’Ahmad El-Thawati Bey et de sa troisième femme, Set Khadiga. Il a dix ans et Fatma doit le surveiller toute la journée pour que rien de malencontreux ne lui arrive. Entre elle et Amir, il n’y a que trois ans de différence et bientôt naît entre eux une amitié distante, car Fatma doit garder sa place d’esclave. Elle l’initie à toutes sortes de jeux enseignés par ses frères et lui apprend à distinguer les empreintes laissées sur le sable par les lézards, les scarabées, les serpents et les insectes. Elle lui parle du désert et des caravanes, des chameaux et des brebis, du mouvement des étoiles et du soleil. Tout cela lui rappelle son père et les jours heureux passés dans le désert. Parfois, une larme glisse le long de sa joue, qu’elle essuie furtivement.
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Lorsqu’ils apprennent que leur fille demeure mystérieusement introuvable, les parents de Fatma sont effondrés. Comment a-t-elle pu disparaître ainsi alors qu’elle se trouvait à quelques pas de la caravane? Elle, si débrouillarde, si capable de retrouver son chemin dans les dunes, comment aurait-elle pu s’égarer? Chérif Abdel-Malek ne cesse de poser des questions à ses fils, voulant s’assurer qu’ils ont exploré tous les indices possibles sur leur chemin. Finalement, de guerre lasse, abattu et désespéré, il ne peut retenir qu’une seule explication : sa fille a été enlevée. Mais par qui? Pourquoi? Bien sûr, Abdel-Malek est au courant de la rumeur rapportée par le vent du désert concernant Mokhtar, le pirate. Mais pourquoi s’attaquer à lui, Abdel-Malek, un homme respecté, honorable et intègre, un sage parmi les sages? Mokhtar ne sait-il donc pas que cet acte entrainerait une vengeance terrible, la sienne et celle de toute la tribu des Ibn-Taleb?
Chérif Abdel-Malek se sent désarmé, abandonné et vieux; il réalise qu’il n’a plus la force d’entreprendre une razzia punitive contre le ravisseur de sa fille, la prunelle de ses yeux. Le poids des ans s’est abattu sur ses épaules et le voilà transformé soudainement en vieillard désabusé. Il se tourne alors vers Hassan et Hussein et leur confie dans un murmure : « Je vous charge de retrouver ma princesse, ma Fatma. C’est à vous deux maintenant de me venger et de punir ce scélérat. Je n’ai plus ni la force ni la volonté de mener cette bataille. Je vais me mettre sous la protection de Salah, mon parent et chef de notre tribu, à Siwa. À vous, mes enfants, de me faire honneur alors que je vais mourir ». Un mois plus tard, Chérif Abdel-Malek, l’un des plus célèbres chefs-caravaniers, meurt de tristesse. Il est enterré dans le cimetière de l’oasis, sous l’ombre fraîche des palmiers. Hassan et Hussein entreprennent alors un long voyage pour retrouver leur sœur, suivant la promesse faite à leur père. Ils ne peuvent imaginer que cette quête durera plusieurs années et qu’elle sera tragique.
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Ce sera bientôt l’anniversaire des quinze ans d’Amir. Cinq ans ont passé et Fatma remplit toujours son rôle d’esclave avec déférence et célérité. Elle est toujours de bonne humeur et son sourire est contagieux. Amir n’hésite pas à partager avec elle ses leçons d’écriture, de géographie et de religion. Elle apprend vite et rivalise d’intelligence avec lui. Pour l’anniversaire de celui-ci, ses parents prévoient une grande fête lors de laquelle son père annoncera qu’il en fera son associé en affaires. Or, quelques jours avant cette cérémonie, un événement étrange a lieu.
Comme chaque matin, Amir demande à Fatma de lui lire l’avenir dans sa tasse de café. Elle obéit, comme d’habitude. Soudainement, après avoir jeté un coup d’œil sur le marc déposé au fond de la tasse, Fatma se lève et disparait à la cuisine, après maintes excuses et courbettes. Elle se réfugie auprès de sa matrone et lui murmure : « Terrible, ce que j’ai vu dans la tasse d’Amir Effendi! Terrible, matrone, je ne sais pas quoi dire…Je suis brisée, j’en tremble! ». « Parle, ma fille, lui intime la responsable des esclaves. Qu’as-tu vu de si terrible? Allez, parle. Dis-moi tout ».
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Fatma, en pleurs, lui raconte entre deux sanglots qu’elle a vu Amir Effendi se faire mordre par un serpent le jour de son anniversaire. « Cette fête sera le jour de sa mort! » lui annonce-t-elle enfin. « Je l’ai vu dans la tasse! C’est sûr! ».
Sans hésitation, la matrone se lève et va raconter l’incident à Set Khadiga, la mère d’Amir. La réputation de Fatma comme liseuse de bonne aventure n’est pas à faire; plusieurs fois dans le passé elle avait démontré son don infaillible. Après un long conciliabule entre Set Khadiga et son époux Ahmad, la décision est prise que les festivités auront lieu malgré tout mais une armée de gardes ratissera continuellement les jardins et la grande résidence, pourchassant tout serpent et reptile nuisible. Le risque demeurera, mais la surveillance sera accrue en conséquence.
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Durant cinq ans, inlassablement, Hassan et Hussein passent au peigne fin la zone comprise entre Jaroub et Siwa. Ils font des incursions jusqu’à Koufra, au sud et Jaroub à l’ouest. Ils poussent jusqu’à Tobrouk et même jusqu’à Sidi-Barrani, au bord de la Méditerranée. En certaines occasions, ils demandent l’aide de Salah Ibn-Taleb. Mais leurs recherches demeurent vaines; ils ne trouvent aucun indice tangible, sauf que les rumeurs des raids sanglants de Mokhtar, le pirate du désert, deviennent plus fréquentes. « Et si c’était lui qui a enlevé notre sœur ? ». Ils décident donc de suivre cette piste pour en avoir le cœur net.
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Un soir, alors qu’ils viennent de quitter un campement côtier en direction de Matrouh, ils aperçoivent entre les dunes, un groupe de cavaliers venant dans leur direction. Par mesure de prudence, les deux frères se dissimulent dans un repli rocheux et attendent la nuit. La troupe d’inconnus bivouaque non loin, ils peuvent même les entendre chanter et rire tard, sans doute en train de boire de l’alcool interdit qui vous monte à la tête et vous fait perdre vos moyens. Hassan et Hussein sont patients, ils attendent le moment propice, alertes et bien aguerris.
Vers trois heures du matin, alors que la lune est voilée d’un lourd nuage, ils se dirigent en rampant vers le campement des inconnus. Ils remarquent que ceux-ci dorment sans aucune protection, personne ne monte le guet. Hassan fait signe à son frère de le couvrir alors qu’il rampe jusqu’au premier inconnu profondément endormi. Il lui ôte lentement le couteau de son étui attaché à la ceinture, un magnifique kandjar en argent ciselé. Il le lui plante sous la gorge et lui met la main sur la bouche pour étouffer son cri. Mais l’inconnu est trop imbibé d’alcool pour se rendre compte de ce qui lui arrive. Hassan le traîne au-dessus des dunes et rejoint son frère. Ils le questionnent à voix basse et finissent par le tirer des limbes. C’est ainsi qu’ils apprennent qu’il fait partie de la troupe de malfaiteurs, avec Mokhtar à leur tête et que celui-ci dort paisiblement. « Je ne donnerai pas cher de votre peau quand il se réveillera et qu’il ne me trouvera pas près de lui », leur lance l’inconnu sur un ton de défi. Pour éviter les complications, les deux frères ligotent et bâillonnent fermement le brigand pour ensuite se diriger vers le campement ennemi.
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Mais ne voilà-t-il pas qu’un colosse de six pieds fonce déjà sur eux, le couteau à bout de bras, hurlant un cri terrifiant. Hassan et Hussein sont surpris par cette attaque-éclair et tentent de se protéger tant bien que mal. Ils n’ont pas le temps de sortir leur kandjar que déjà Hussein est transpercé au cœur et pousse un dernier râle. Son assaillant lance un cri : « Personne n’attaque Mokhtar impunément! ».
Hussein s’effondre dans une mare de sang rapidement absorbé par le sable. Mokhtar se relève et s’élance à la suite de Hassan. Mais ce dernier a pris ses jambes à son cou et court vers les chevaux, non loin. Il enfourche sa monture et d’un coup d’éperon, il part au galop, abandonnant le cadavre de son frère. Il hurle dans la nuit noire : « Je reviendrai, Mokhtar! Je reviendrai et tu paieras cher ce crime! ». L’écho de sa menace se répercute sur les dunes du désert. Désormais, Hassan est seul pour accomplir la promesse faite à leur père : retrouver Fatma.
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Des centaines d’invités se pressent dans le vaste jardin entourant la résidence d’El-Thawati. Leurs habits chamarrés scintillent sous les feux des torchent qui illuminent les allées. Les rumeurs soyeuses des conversations sont voilées par la douce musique des flutes, des ouds et des violons itinérants. Parfois un rire cristallin recouvre ce joyeux tumulte. La foule allègre converge vers Set Khadiga et Ahmad El-Thawati Bey, au pied de l’escalier monumental. Tous s’inclinent en salamalecs respectueux et souhaitent prospérité, santé et succès au jeune Amir.
Dans les coulisses, sous l’œil vigilant de Fatma, une petite armée de gardes surveille chaque recoin du jardin et de la résidence, à la recherche du moindre reptile intrus. Elle-même, armée d’une fine lame dissimulée dans sa manche, ne cesse de passer d’une pièce à l’autre, de rentrer et sortir, tantôt dans la cave, tantôt sur la véranda. La voici sur la terrasse du second étage. De là, elle domine toutes les festivités et admire, au loin, la mer qui scintille sous le reflet de la pleine lune. Elle remarque Amir et ses parents qui se trouvent juste au bas de son point dominant. Elle s’approche de la balustrade et s’appuie sur une énorme jardinière, le temps de reprendre son souffle. Soudain, entre le feuillage d’un hibiscus, elle perçoit un mouvement anodin. Elle fixe son regard à temps pour voir un cobra royal se dresser droit devant elle, la langue frétillante, menaçant, immobile. D’un geste prompt comme l’éclair, Fatma fait glisser le couteau dans sa main et d’un élan brusque et gracieux, tranche la tête du reptile qui tombe à ses pieds. Elle retire son châle et avec précaution, ramasse son butin. Elle se précipite vers la cuisine. Là, elle raconte la conclusion de la chasse à sa matrone qui s’effondre en larmes, heureuse de la tournure des événements. Fatma se retire dans sa chambre, pour prier et remercier Allah de sa clémence. Amir est sauf. Bientôt, toute la famille apprendra la bravoure de leur esclave et lui témoignera sa reconnaissance.
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Deux semaines plus tard, Fatma est convoquée dans le grand salon de la résidence, le saint-des-saints, là où l’on ne pénètre presque jamais sauf lors de grands événements réunissant les notables d’Alexandrie. Fatma est intimidée, elle marche sur la pointe de ses pieds nus. Jamais elle n’a foulé de tapis aussi épais et doux. Les yeux baissés, elle écoute le grand seigneur lui adressant la parole : « Fatma, nous n’avons pas oublié ce que tu as fait l’autre jour et comment tu as sauvé la vie de notre fils. Toute notre famille t’en est reconnaissante. Ton courage, ta droiture, ta bonne humeur nous ont toujours impressionnés, depuis le premier jour de ton arrivée chez nous. Aussi, pour reconnaitre ta fidélité envers notre famille, nous te donnons aujourd’hui ton entière liberté. Dans cette maison et à travers toute la ville d’Alexandrie, nous déclarons que tu es libre ». Fatma pleure en silence, son corps est secoué de sanglots, elle tombe à genoux et remercie Set Khadiga et El-Thawati Bey. Elle n’est pas capable de prononcer un mot, elle prie Allah en son for intérieur pour sa liberté enfin retrouvée, elle n’entend plus ce que Set Khadija lui dit : « Dorénavant, Fatma, tu es libre de rester chez nous ou de nous quitter. Nous aimerions tant que tu restes avec nous et nous te traiterons comme une de nos filles ». Tout cela est trop pour Fatma, elle a de la difficulté à absorber ces nouvelles. Elle perd connaissance dans cet immense salon. Le destin de Fatma vient de prendre une autre tournure.
Hassan est venu consulter Salah Ibn-Taleb sous sa tente. L’assassinat de son frère est au centre de leur conversation. Tout en mangeant un agneau grillé, ils discutent d’un plan d’action. Il faut capturer Mokhtar. Le pirate est devenu une menace sérieuse pour tout le commerce caravanier du désert cyrénaïque, entre la Libye et l’Égypte. Rapide comme l’éclair et insaisissable comme le vent, il surgit de nulle part et attaque sans merci les caravanes et les petites oasis de la région. Il vole, il tue, il kidnappe, sa cruauté n’a d’égale que son avidité pour l’or. Hassan et Salah conviennent qu’il faut agir pour que ces sévices cessent et que les routes redeviennent sécuritaires. Ils reconnaissent surtout que leurs malheurs personnels méritent une vengeance d’égale mesure.
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​La nuit se passe en discussions sur la stratégie la plus appropriée aux circonstances et quand l’aube teinte le ciel de rose et d’ambre, le plan est arrêté. Hassan et Salah vont monter une embuscade afin d’attirer et saisir le pirate du désert. Ils répandent la rumeur qu’une immense caravane se mettra en marche quelques semaines plus tard, transportant de l’or, de l’ébène, de l’ivoire et des pierres précieuses venant du Soudan et du Kenya, en plus des épices, des dattes, des denrées et autres raretés très prisées au Caire et en Europe. La caravane partira de Siwa en direction de Sidi-Barrani et Matrouh pour rejoindre Alexandrie en longeant le littoral.
Alors, que les préparatifs débutent dans le plus grand désordre, que les marchandises s’entassent dans les entrepôts de Siwa et que les chameaux sont rassemblés dans d’immenses enclos, les espions de Hassan et Salah s’activent à semer la nouvelle à travers les dunes. Des cavaliers sont dépêchés dans diverses oasis, même des pigeons voyageurs sont mis à contribution. En quelques jours, sur des kilomètres à la ronde, la nouvelle s’est répandue : une caravane comme on en a rarement vu prendra la route, chargée de trésors fabuleux. Une telle nouvelle ne peut pas ne pas attirer l’attention de Mokhtar. Alléché par ce butin, ce dernier prépare déjà son plan d’attaque…
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Durant cette même période, Ahmad El-Thawati réunit les responsables de son entreprise pour leur annoncer une grande nouvelle : il désire confier à son fils Amir la mission de se rendre à Tobrouk pour signer des ententes commerciales avec des commerçants européens qui possèdent des comptoirs dans cette ville. El-Thawati Bey veut qu’une vingtaine de personnes accompagnent son fils âgé maintenant de quinze ans, en plus d’une troupe armée et d’un groupe de serviteurs et d’esclaves, en tout une centaine de personnes. Les préparatifs débutent, les documents rédigés, les équipages formés, les étapes fixées. Deux jours avant le grand départ, El-Thawati fait venir Amir et Fatma dans son bureau : « Fatma, nous sommes heureux que tu aies décidé de demeurer chez nous et pour te témoigner notre affection et le rôle important que tu occupes dans notre maison, je te confie mon fils Amir. Tu as su prendre soin de lui depuis plusieurs années déjà. Tu es comme une grande sœur pour lui. Je veux que tu t’assures que rien ne lui arrivera durant cette importante mission ».
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Lorsque le groupe quitte Alexandrie, Fatma chevauche en arrière d’Amir, le couvant d’un regard protecteur et affectueux. Elle assume son rôle de sœur ainée avec fierté, prête à tout.
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La caravane de Hassan et Salah s’ébranle après la prière du maghrib, alors que le ciel se couvre de son manteau de nuit et que les dernières lueurs du soleil disparaissent à l’ouest. Elle est constituée de plus d’une centaine de marcheurs, sans compter le double dissimulé dans de grands paniers d’osier portés deux par deux sur les dos des chameaux. Un véritable bataillon bien entrainé et armé jusqu’aux dents. Il est convenu de prendre la piste du nord afin de croiser la route longeant le littoral qui relie Alexandrie à Tobrouk. Trois nuits de marche forcée, les sens aux aguets, les nerfs en éveil. Les deux chefs soupçonnent que Mokhtar les attaquera par surprise, peut-être pas de nuit puisque c’est la période de marche et d’activité, mais plus probablement à l’aube ou au crépuscule. C’est à ces moments-là que la caravane est plus vulnérable, alors que le groupe est affairé à monter ou démonter le campement. Des gardes sont assignés à surveiller les alentours durant ces moments sensibles. Trois nuits se passent ainsi dans une attente fébrile et inquiétante.
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Mokhtar et ses brigands attaquent à l’aube du quatrième jour, alors que la caravane est en vue de Matrouh. Déjà les couffins sont déposés sur le sol, les chameaux libérés de leurs chargements et les ordres d’entraver les bêtes en train d’être exécutés. Les pirates sont positionnés sur un tertre rocailleux qui domine la plaine. Mokhtar est certain que cette position stratégique joue en sa faveur, en plus de l’effet de surprise. Mais c’est sans compter sur la préparation de Hassan et Salah à cette éventualité et la ruse qu’ils avaient convenue. Plutôt que d’attaquer en riposte, la caravane au complet, y compris les deux cents personnes qui étaient dissimulées dans les paniers, se séparent en deux groupes et fuient la scène. Ils laissent derrière eux couffins, baluchons et paniers destinés à appâter le pirate. Mokhtar ordonne de fondre sur le butin, à grands cris lancés par les assaillants. En retrait, Hassan et Salah observent la scène de part et d’autre du campement. Lorsqu’ils jugent que les pirates sont bien engagés dans le traquenard, ils les encerclent et les attaquent simultanément. Mokhtar réalise un peu tard qu’il est pris au piège. Malgré tous ses efforts, il ne peut sortir du guêpier : lui et ses hommes doivent s’avouer vaincus. La bataille aura duré moins d’une heure…
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Cette nuit, les hommes de Hassan et Salah la passe en festivités et en ripaille. On a égorgé quelques moutons qui grillent sur d’immenses feux de bois. Les prisonniers sont fermement ligotés et bâillonnés, installés au milieu du groupe. Impossible de bouger, encore moins de fuir. Ils sont privés de nourriture et d’eau. Demain, leur sort sera déterminé par les deux chefs qui s’improviseront juges dans les circonstances.
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Entretemps, Amir El-Thawati et sa suite sont arrivés à Matrouh pour une halte de deux jours, le temps de reprendre des forces et profiter du paysage exceptionnel du site, entre mer et désert. À l’aube, ils sont réveillés par des coups de feu et des cris venant des dunes, non loin. Amir et quelques hommes sautent sur leurs chevaux, curieux d’aller voir la cause de ce tumulte. Fatma les suit de proche. De loin, ils observent la scène et comprennent rapidement les enjeux de l’attaque. Amir, prudent, ordonne de faire demi-tour pour se réfugier à Matrouh, loin des tirs. Plus tard dans la journée, il envoie un émissaire invitant les vainqueurs à venir célébrer leur victoire. Hassan et Salah déclinent l’invitation de cet inconnu et lui proposent plutôt de se joindre à eux ce soir-même pour faire connaissance et partager leur repas.
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Ce sont là les circonstances fortuites qui menèrent Hassan Abdel-Malek et Salah Ibn-Taleb à faire la connaissance d’Amir El-Thawati et, bien sûr, de revoir Fatma, leur sœur et parente.
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Est-il nécessaire de décrire en détails ces retrouvailles heureuses? De parler de la surprise de chacun, des effusions et des étreintes? De reprendre les questions cent fois répétées sur les événements passés? Comment évoquer l’étonnement et l’incrédulité de Hassan qui insiste à voir une preuve, au moins une, que cette femme est bien Fatma, sa sœur bien-aimée? Lorsqu’ils s’étaient perdus de vue elle avait treize ans et la voilà aujourd’hui, une jeune femme de dix-huit ans, sûre d’elle, gracieuse et élancée? Pour apaiser ses craintes, elle montre à son frère le tatouage sur son épaule droite. À la vue de cette marque irréfutable, Hassan fond en larmes et prend Fatma dans ses bras. « Notre père n’est plus avec nous, mais il voit bien que j’ai rempli ma promesse. Allah est miséricordieux, Fatma, nous sommes ensemble, seuls survivants de notre famille. Assieds-toi, j’ai tant de chose à te dire. Viens. ».
La soirée se passe ainsi entre pleurs et rires, souvenirs déchirants et joies silencieuses, ivresse et sérénité. Des moments où tous parlent en même temps, posant des questions sans attendre de réponses et d’autres d’un calme absolu pour savourer ces instants magiques.
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En retrait, Amir et Salah font connaissance et discutent à voix basse tout en grignotant des morceaux de viande. Amir se tourne vers Fatma et l’invite à présenter enfin les personnes présentes : « Nous comprenons bien votre joie à vous deux de vous retrouver après une si longue absence, mais je crois qu’il serait temps de faire connaissance. Fatma, veux-tu faire les présentations? ». Celle-ci se tourne vers son frère : « Hassan, mon frère, voici Amir El-Thawati, fils de El-Thawati Bey. C’est la famille qui m’a accueillie durant toutes ces dernières années ». Volontairement, Fatma ne veut pas mentionner à ce moment-là, les années d’esclavage. Pourquoi assombrir ces instants de joie en évoquant de pénibles souvenirs? Enchainant sur cette présentation, Hassan, se tourne vers Salah et le présente à Amir : « Je vous présente Salah Ibn-Taleb, chef de la tribu des Ibn-Taleb qui règne sur Siwa et tout le désert qui sépare la Libye de l’Égypte. Un des hommes les plus puissants et les plus généreux que je connaisse ». Fatma reconnait alors ce cousin éloigné qu’elle avait perdu de vue depuis fort longtemps. Entre eux deux, se crée un silence chargé d’émotions.
Les échanges de civilités et de compliments se poursuivent longtemps dans ce langage fleuri si caractéristique aux Bédouins. Les fluides de l’amitié circulent de façon mystérieuse, s’insèrent dans les recoins de l’âme et trouvent leur niveau d’équilibre là où l’on s’y attend le moins. Ils sont comme un ciment solide et douillet à la fois, une sorte d’aimant qui attire autant les caractères opposés que similaires, suivant des combinaisons dont nul n’a le secret. Ce soir-là, ces fluides ont largement abreuvé les âmes de nos quatre protagonistes. Et plus particulièrement celles de Fatma et de Salah…
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Deux jours plus tard, Mokhtar et ses bandits sont menés sous bonne escorte vers Le Caire où ils seront jugés pour leurs nombreux crimes. Ils vont à pied à travers le désert sous un soleil de plomb. Quatre d’entre eux meurent en chemin d’épuisement. Ils sont laissés en pâture aux renards et aux vautours. La légende rapporte que les survivants furent jugés coupables et pendus. Il semble que leurs corps furent exposés à la Porte de l’Ouest de la ville, pour servir d’exemple, mais les informations à ce sujet restent vagues.
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Six semaines ont passé depuis qu’Amir et Fatma ont pris congé de Hassan et de Salah, après trois jours de pur bonheur à faire connaissance et à renouer les liens entre frère et sœur. Aujourd’hui, Amir est en route pour rentrer chez lui, fier d’avoir obtenu les accords signés des différents clients européens, assurant un avenir prometteur au commerce de son père et du sien. Fatma a suivi de près toutes les négociations, le guidant et le conseillant à l’occasion. Son jugement sûr et sa sensibilité féminine ont été d’une aide précieuse à Amir qui lui en est reconnaissant.
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Cependant, il sent que Fatma est ailleurs, son regard se porte à l’horizon, elle est rêveuse et ne réagit pas quand il lui parle. Son silence cache un trouble dont il croit connaitre l’origine. « Que penses-tu si nous faisions un long détour pour aller voir ton frère et notre ami Salah à Siwa? » lui propose-t-il un jour alors que la troupe approche de Bardia. « D’ici, en ligne droite, nous sommes à deux jours de l’oasis ». Un large sourire illumine les yeux de Fatma. Sans attendre de réponse plus éloquente, Amir ordonne de descendre vers le sud, vers Siwa.
Ayant eu vent de la venue d’Amir et de Fatma, Hassan et Salah viennent à leur rencontre avec une douzaine de cavaliers richement harnachés. Ils rentrent dans Siwa tels des notables de haut rang. Arrivés devant le campement de Salah, celui-ci se retourne vers eux : « Bienvenue dans mon fief. Rares sont les personnages aussi importants et aussi chers à mon cœur qui ont foulé mon oasis, Je vous souhaite un séjour agréable et qui, je l’espère, durera plusieurs jours ». Salah porte une attention toute particulière à Fatma et la traite avec délicatesse et prévenance. Elle-même lui rend ses compliments et ses sourires. Il est clair que les fluides de l’amitié ont fait place à des sentiments plus profonds, mystérieux, durables…
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Durant les jours qui suivent, Salah déclare son amour à Fatma. Elle n’en est pas étonnée, bien au contraire, elle est heureuse de constater que ses propres sentiments sont réciproques.
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Faut-il dépeindre et analyser plus à fond ce lien qui se tisse entre Fatma et Salah? Non, car il est clair que l’amour est maintenant bien ancré dans leur cœur. D’ailleurs, quelques semaines plus tard, un grand mariage est célébré à Siwa pour unir les deux amoureux. Pour cette occasion, Set Khadiga et Ahmad El-Thawati Bey ont fait le voyage en grande pompe pour bénir cette union. Ils sont accompagnés de dizaines d’invités et de personnalités importantes des oasis voisines et des membres de la tribu des Ibn-Taleb, venus payer leurs hommages aux jeunes mariés.
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Fatma a gagné rapidement l’amitié et le respect des oasiens de Siwa, s’impliquant dans la vie de la communauté et soucieuse d’améliorer les conditions de vie des plus humbles. Elle avait connu le déchirement de la séparation d’avec ses parents et la vie d’esclave. Pour elle, il est maintenant important que cela ne se reproduise plus. C’est d’ailleurs à cette époque que Fatma a reçu le surnom de Princesse de Siwa.
FIN
Guy Djandji
Mars 2021
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