
PÉRIPLE EUROPÉEN
Ces notes d’un voyage de quarante jours à travers l’Europe ont été prises sur le vif et comportent nécessairement des lacunes ou des généralisations peut-être superficielles. Elles n’ont pas été corrigées pour ne pas en diluer la spontanéité ni altérer les effets de la découverte. Il faut donc les prendre avec un grain de sel et y ajouter un peu d’indulgence.
Écosse
Nous avons quitté hier l’Écosse avec un pincement au cœur ; c’est un pays fascinant et nous sommes tombés sous son charme sauvage. Le seul bémol est le climat imprévisible. Il fait tantôt froid (8-12 °C), tantôt pluvieux, ensoleillé, nuageux... et tout cela dans la même heure.
Édimbourg, dans le Old-Town, ressemble un peu à la ville de Québec avec ses petites rues et ses côtes sinueuses. Le Château domine la ville et offre une belle vue panoramique avec le fleuve en arrière-scène, comme le Château Frontenac et le Saint-Laurent à Québec. Le quartier de New-Town (pas si nouveau puisque développé au XVIIIe siècle) est cossu, avec de très beaux édifices, des maisons de briques de style Georgien, des parcs et des rues ombragées.
Nous avons fait une balade de trois jours dans les Highlands et visité trois ou quatre distilleries de single malt. Nous avons contourné le Loch Ness et non, nous n’avons pas vu de monstre ! Le paysage est à couper le souffle, d’une beauté sauvage exceptionnelle. De hautes montagnes toutes nues, pas un arbre, mais un tapis de broussailles et de bruyères. Lors de notre passage, il y avait de larges étendues recouvertes de fleurs jaunes. Superbes ! Un décor quasi lunaire, pas une âme, pas un toit. Par contre, des moutons par centaines. Il y a sans doute plus de moutons en Écosse que d’Écossais ! Dès qu’on descend dans les vallées (glen), on retrouve des sapins et des feuillus et ce paysage ondoyant ressemble étrangement aux Cantons-de-l’Est. C’est un vaste pays rude, sauvage, brut, nuageux, froid, avec un immense ciel d’un bleu pur et d’un soleil éclatant, quand il veut bien se montrer.
Ce paysage a sûrement sculpté le caractère des Écossais. Ils sont taillés d’une pièce, solides, volontaires, de premier abord un peu sauvages et silencieux, mais au fond, généreux et expansifs. Quand vous leur parlez, ils sont tout sourire, aimables, pleins d’attentions et d’humour, accueillants et même chaleureux. Leur discours est direct, franc et sans détour. S’ils vous répondent, vous aurez de la difficulté à les comprendre. Ils ont un accent guttural et saccadé, ils roulent profondément les R et parlent comme s’ils avaient une pomme au fond de la gorge. Leurs sons et leurs tonalités sont pleins de Okh, de Akh, de Ferth, de Staaat et de Mokh. Ils achèvent leurs phrases par des Aye ou des Yea-Yea, mais leur sourire est désarmant. En bref : ils sont rustiques et bons vivants !
Quant à leur nourriture, elle est délicieuse et bien relevée à notre goût. Étrangement, nous lui avons trouvé des similitudes avec les saveurs du Moyen-Orient, c’est-à-dire une cuisine où l’oignon frit est bien présent, des épices variées et des mélanges de goûts délicieux. Nous avons goûté au fameux haggis. Certains sont rebutés par les ingrédients : estomac de mouton farci d’abats d’agneau. En fait, si vous y ajoutez oignons, épices et orge, comme le veut la recette, cela a un goût similaire à certaines variétés de kebbés, le mets traditionnel du Liban. Succulent ! Mais prévoyez une bonne marche pour la digestion. Le blood-pudding peut également lever le cœur de certains. En fait, c’est la version écossaise du boudin et elle est tout aussi délicieuse. Et bien sûr, nous avons dégusté les Fish & Chips, plat national du Royaume. Un aiglefin frit dans une panure légère et croquante qui fond sous la dent. Si l’huile est de qualité, c’est un plat facile à digérer. Enfin, le Scottish egg est une boule de viande contenant un œuf dur, bouilli dans une eau vinaigrée et généralement servie en piquenique.
L'Écosse, c'est tout ça...et un peu plus!
Dans la nébuleuse des Habsbourg
Prague-Budapest-Vienne... Trois villes mythiques incontournables de l’Histoire occidentale. Première escale : Budapest. Elle s’étend sur les deux rives du Danube : Pest, plus ancienne à l’Est, étalée sur la plaine et Buda, sur l’autre rive vallonnée avec son immense château qui domine la ville. Ce qui frappe dès l’arrivée, c’est la beauté de l’architecture des édifices du XIXe siècle. La fusion de Buda et Pest est relativement récente puisqu’elle ne s’est faite que vers 1860. Le paysage urbain est assez homogène, mais d’une grande richesse. Dans le Centre, pas de gratte-ciels, mais des immeubles de six ou sept étages avec des façades ouvragées, des atlantes, des oves, des colonnades et des fenêtres surmontées de triangles et d’arcs-de-cercles. On y retrouve des décors néo-Renaissance, mais aussi des fresques et des statues de saints. L’architecture a changé vers les années 1900 pour devenir carrément Art-Nouveau et a été influencé par le style sécessionniste de Vienne, ou par l’Art Déco. Le tout est magnifique, on se croirait dans un musée à ciel ouvert.
La ville fut l’une des perles de l’empire des Habsbourg malgré des relations souvent tendues entre la famille régnante et les Magyars fiers de leur autonomie. La Hongrie est venue au secours de l’empire à quelques occasions, particulièrement pour sortir Marie-Thérèse, première femme empereur, d’une mauvaise passe contre Frédéric de Prusse. Sissi aimait également ce peuple à l’esprit indépendant et a favorisé son émancipation relative.
La Cathédrale St-Stephen, toute en dorures et en rondeurs, est un remarquable exemple d’art baroque. Le château renferme les musées les plus importants de la ville, dont une des plus grandes bibliothèques médiévales d’Europe.
Toute visite de cette ville devrait être entrecoupée de pauses dans des cafés, le temps de goûter aux succulentes pâtisseries telles que dobos, strudels et autres sucreries délicieuses de chez Gerbeaud (fondé vers 1870) ou au Café New York au décor baroque intact depuis son ouverture en 1890. Il y a une certaine douceur de vivre à Budapest, au rythme des cafés et au milieu d’une grande beauté.
Seconde escale : Prague. De longues marches à travers les vieux quartiers permettent de découvrir, là encore, un art baroque flamboyant. Il faut comprendre que cet art, fait d’or et de lumière, fut encouragé à l’époque par les Jésuites pour réagir aux réformes protestantes qui gagnaient du terrain et qui prônaient la sobriété. Il fallait ramener les ouailles dans les églises en leur donnant un spectacle visuel grandiose. Alors, on a mis de l’or plein la vue, des statues qui semblent en mouvement, bref, un décor de théâtre conçu pour impressionner. Et ça impressionne encore aujourd’hui...
Malgré tout, Prague demeure une petite ville provinciale, même si au XVIIe siècle, elle fut la capitale de l’empire pendant quinze à vingt ans, au grand dam des Viennois. Éventuellement, les Tchèques se sont rebellés et ont jeté les représentants de l’empereur par les fenêtres du château... la célèbre « défenestration de Prague » !
Des trois perles des Habsbourg, Vienne est certainement le joyau. Ville impériale, comme Londres, monumentale sans être ostentatoire, élégante, raffinée, ouverte et conviviale... L’architecture et l’ornementation des immeubles sont à couper le souffle. Baroque et Art-Nouveau se côtoient sans se heurter. Un vrai plaisir visuel !
Les Viennois sont souriants, sympathiques et accessibles. Si vous semblez perdus et cherchez votre chemin, ils s’empressent de vous aider... et en anglais, qu’ils pratiquent tous ! La ville regorge de musées, d’églises et de palais, tous aussi importants les uns que les autres. Si le temps manque, il faut se limiter aux plus notoires : La Sécession, l’Académie des Arts, les Palais d’Hofburg et de Schoenbrunn et les églises de St-Stephen et de St-Paul.
Les touristes font généralement un arrêt obligatoire au café Sacher pour y déguster le fameux gâteau éponyme. Mais la réputation de cette pâtisserie est surfaite de l’avis de plusieurs et le prix est en conséquence.
Florence
Florence : la capitale de l’art occidental ! Une semaine est nécessaire pour sillonner la ville sur les deux rives de l’Arno ; de Santo Spirito à Santa Croce et du Palazzo Vecchio au Palazzo Pitti. À Florence, il faut marcher le nez en l’air. Littéralement. Toutes les rues de la vieille ville sont bordées de palais Renaissance et de maisons bourgeoises séculaires. La plupart de ces édifices sont bâtis de grosses pierres imposantes et comptent seulement trois ou quatre étages (sur une hauteur équivalente à un immeuble de six étages aujourd’hui). Les façades sont peintes de motifs floraux ou de trompe-l’œil. Plusieurs comportent des portiques immenses surmontés de blasons taillés dans la pierre avec les armoiries des vieilles familles toscanes. Il est facile, par exemple, de reconnaître les divers palais des Medicis, parce qu’ils arborent leur blason à six boules.
Au coin de ces superbes bâtiments, on retrouve souvent des Madones avec enfant, peintes au XIV ou XV siècle en mémoire de quelques vœux exaucés et invitant le passant à une prière. On est loin du concept de laïcité qui a cours de nos jours. Au contraire ! Politique et religion étaient les deux mamelles de la Renaissance ! À chaque tournant, dans chaque ruelle, le regard est sollicité par un détail du décor, d’une fenêtre, d’une peinture... d’un graffiti, art que les Florentins ont sans aucun doute inventé.
Florence est un musée à ciel ouvert ; il suffit d’être attentif et de marcher les yeux bien ouverts. Mais attention ! Les rues sont pavées de gros blocs inégaux, donc la promenade n’est pas sans risques.
Ces longues marches dans Florence se doivent d’être ponctuées de pauses-cafés ou, plus précisément, de pauses-gelati. La gelateria qui a remporté la palme récemment est sans aucun doute Il Procopio, sur Via Pietrapiana. Le vote a été unanime : onctueux, créatif, au goût prononcé de l'essence affichée, c'est un gelato qui mérite le déplacement...jusqu'à Florence.
Après une journée de marche, rien de mieux qu’un dîner al fresco ! En une vingtaine de minutes, l’autobus municipal No. 7 mènera le touriste en quête de repos vers les hauteurs de Fiesole. Le climat y est plus frais et moins humide qu’à Florence et les nuits y sont plus agréables. Durant les étés chauds, c’est là que les Florentins se réfugient pour fuir la canicule. Boccace et ses amis avaient fait la même chose au XVe siècle, mais ils fuyaient la peste noire. Pour passer le temps, ils se racontaient des histoires. Ça a donné Le Decameron, un des piliers littéraires de la langue italienne, alors naissante.
De la terrasse des restaurants qui jouxtent la Piazza, on a une vue à 180 degrés de toute la vallée, tel un grand lit de verdure sur lequel est étendue Florence, comme une femme paresseuse... Florence est une ville attachante, exigeante, exubérante, noble et catin à la fois. Elle vous prend à bras-le-corps et si vous aimez ses câlins, elle ne vous quittera plus. C’est la destination parfaite pour clôturer un voyage en Europe.
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