UNE AVENTURE DE NOËL
« Allez, les enfants! Au lit! ». Le ton de grand-mère Téta ne laisse place à aucun doute; il faut obéir immédiatement. Et pourtant, les trois cousins élèvent leurs voix à l’unisson :
« Ah, non! Encore quelques minutes, s’il-te-plait, Téta! Nous voulons voir le Père Noël. Il ne devrait plus tarder! »
« Il n’en est pas question! Vous devez rentrer au lit maintenant. D’ailleurs, on ne sait jamais à quelle heure il arrive, le Père Noël. Avec tous ces enfants qu’il doit visiter dans le monde… »
C’est à reculons et en grognant, que Clarissa, Luc et Solange se dirigent vers leur chambre à coucher. Après une brève toilette, les voilà au lit, lumière éteinte. Depuis deux jours, les trois cousins partagent une grande chambre dans la maison de leurs grands-parents. Tous les ans, pour les Fêtes et les anniversaires, la famille se réunit au complet et c’est toujours l’occasion de belles retrouvailles.
Clarissa, âgée de huit ans, est l’aînée. Comme elle n’a ni frère ni sœur, elle aime revoir ses cousins et jouer avec eux. Elle leur imagine des jeux où elle devient docteur ou professeur et eux, lui obéissent au doigt et à l’œil. Luc n’a que cinq ans mais il est déjà très téméraire, court dans tous les sens et grimpe sur tous les meubles. Solange, elle, n’a que deux ans et elle imite ce que font les grands, surtout son frère Luc qu’elle admire plus que n’importe qui au monde.
Lumière éteinte, la chambre baigne dans un silence…Et puis tout à coup, Luc demande :
- Clarissa, tu dors?
- Non…pourquoi?
- Ben, je n’sais pas…mais il me semble qu’il y a une lumière dans le placard…
- Mais voyons, Luc, ça ne se peut pas!
- Je te dis que je vois une lumière qui vient du placard! On va aller voir, veux-tu?
- Moi aussi, je veux voir, enchaîne Solange qui vient de se réveiller.
Et tous les trois se lèvent et se dirigent vers le placard. Luc ouvre la porte doucement. Tout est noir…
- Tu vois! Qu’est-ce que je t’avais dit? s’exclame Clarissa.
- Attends. Tu ne vois pas cette lumière, là, qui vient de sous cette valise?
Clarissa s’approche de la valise déposée au fond de l’armoire et la soulève.
- Mais tu as bien raison, Luc. Il y a un faible rayon de lumière qui vient d’entre les lattes du parquet. Qu’est-ce que ça peut être?
- Peut-être que si je déplaçais la valise et….Oh! mais c’est quoi, ça?
En ôtant la valise, une lueur emplit le placard et projette de grandes ombres autour des trois enfants. Clarissa se penche pour examiner de plus près la source de cette clarté.
- On dirait une trappe…il y a peut-être une poignée. Laisse-moi voir…
Elle tâte le plancher et découvre une poignée bien dissimulée dans le bois. Elle demande à Luc de l’aider à soulever la trappe. À deux, ils réussissent à ouvrir la cachette et découvrent une échelle qui descend vers des profondeurs inconnues. La lumière qui provient de la trappe éclaire maintenant toute la chambre d’une lueur bleutée.
- Et si on allait voir où mène cette échelle? déclare tout de go Luc, toujours aussi courageux.
- Bonne idée, répond Clarissa, qui enjambe déjà la première marche.
- Moi aussi, moi aussi, trépigne Solange, en tapant des mains.
Et les voilà tous trois, descendant lentement l’échelle, en faisant attention de ne pas rater une marche. Ils ont le souffle court et ils sont un peu craintifs. Mais ils ne laissent rien paraître. Leur curiosité les pousse à aller plus loin.
Quelle n’est pas leur surprise quand, enfin, ils arrivent au bas de l’échelle! Les voilà dans une large pièce au plancher d’ardoise.
Un grand feu brûle dans une cheminée au fond de la pièce. Et un petit chat gris vient se frotter à leurs jambes.
- Oh! Le beau minou, s’écrie Solange.
Luc s’est mis à genoux pour le caresser. Le chat ronronne comme une locomotive.
- Mais où sommes-nous? demande Clarissa en regardant autour d’elle.
Puis ayant remarqué une porte dans un coin sombre de la pièce, elle demande à ses cousins de la suivre. Luc se penche et prend le chat dans ses bras et se dirige vers la porte, Solange à ses talons et qui essaie de caresser la bête.
Clarissa colle son oreille sur la porte pour détecter un danger possible. Mais c’est le silence total. Avec grande prudence et très lentement elle ouvre la porte. Oh! Surprise!
Ils sont tous les trois saisis par le spectacle qui se présente à eux. Ils sont devant une salle grande comme une usine. Il y a là des dizaines et des dizaines de lutins, hauts comme trois pommes, qui courent dans tous les sens. Certains portent des paniers pleins de boîtes enveloppées de papiers multicolores, d’autres travaillent le long de grandes tables à construire, assembler et ajuster des cadeaux, des trains, des poupées, des jeux de construction et une grande variété de jouets de toutes sortes. D’autres encore poussent des chariots qui débordent de gâteaux et de friandises appétissantes. Et au fond de la salle, une vieille dame est assise sur un immense trône doré, bien au-dessus de tout ce monde. Elle porte un gros chignon blanc relevé au-dessus de la tête et elle est habillée tout en rouge.
Dès qu’elle aperçoit les trois enfants, elle tape dans ses mains et exige le silence.
- Arrêtez tous de travailler! Immédiatement! Et vous trois, venez par ici, lance-t-elle aux cousins.
Ils sont saisis de frayeur et avancent à petits pas. Clarissa, l’aînée, n’hésite pas une seconde :
- Mais Madame, excusez-nous! Nous ne voulons pas vous importuner. Nous étions de passage et nous avons vu une lumière…
- De passage? s’écrie la vielle dame. Comment ça, de passage? Il n’y a pas de passage par ici. Comment avez-vous trouvé notre maison? Hein? Répondez! La vieille dame ne semblait pas contente.
Luc se râcle la gorge et les yeux baissés, murmure :
- Eh bien, voilà. Nous avons vu une lumière dans le placard de notre chambre et quand nous avons ôté la valise, nous avons trouvé une trappe. Nous avons soulevé la trappe et c’est comme ça que nous sommes arrivés chez vous.
- Une lumière dans le placard, tu dis? Une trappe ? Une valise? mais quelle valise? Qu’est-ce que tu racontes? Essaies-tu de te moquer de moi, jeune homme? Approche, viens ici et raconte-moi tout ça dans le détail. Tout cela est bien étrange.
Luc avance d’un pas hésitant et lui explique toujours à voix basse comment ils ont parcouru le chemin qui les a menés chez elle.
- D’ailleurs, nous avons trouvé ce chat dans la pièce à côté, dit-il en montrant le chat qu’il portait toujours dans les bras.
- Oh! Mon petit Grichou…Mais où étais-tu donc passé ? Je te cherche depuis des jours…Enfin, te voilà!
La vieille dame change d’attitude; elle est tout adoucie. Alors qu’elle était en colère et intriguée il y a quelques instants, la voilà souriante et amusée. Elle prend le chat et le couvre de baisers et de petits mots câlins. Elle tourne et danse avec lui. Elle semble avoir oublié la présence des enfants.
Durant tout ce temps les lutins sont silencieux et regardent la scène avec de grands yeux étonnés. Ils n’ont jamais vu d’étrangers dans leur maison et surtout, ils n’ont jamais vu la vieille dame danser avec son chat.
Enfin, après plusieurs minutes, la vieille dame s’arrête de tournoyer, essoufflée mais radieuse.
- Ah! Mes enfants, si vous saviez! J’ai perdu ce chat depuis plusieurs jours. En fait, il a disparu le jour où mon mari a quitté pour faire son tour du monde annuel. Mais vous savez, bien sûr, qui est mon mari, n’est-ce pas?
- Euh, non! dit timidement Luc.
- Bien sûr, vous le connaissez! C’est le Père Noël ! Voyons donc! Vous l’attendez toute l’année…Et là, il va venir chez vous bientôt. Peut-être même ce soir. Mais je vous disais donc que mon Grichou a disparu le jour où mon mari est parti faire sa tournée. Peut-être que Grichou s’est enfui par la porte ouverte. Oh! Que je suis heureuse de l’avoir enfin retrouvé! Grâce à vous trois!
Et voilà Maman Noël, car c’est bien elle, qui recommence à gambader et tourbillonner autour des grandes tables avec son chat au bout des bras.
Clarissa, Luc et Solange regardent la vieille dame danser et du coup, se lancent eux aussi dans la farandole. Bientôt, les lutins se joignent à eux et tous se tiennent par la main pour former une longue chaîne joyeuse qui serpente et sautille à travers l’atelier.
Finalement, Maman Noël s’arrête de danser, épuisée, à bout de souffle. Elle s’esclaffe en essuyant une larme de joie :
- Ah, les enfants! Je n’ai pas ri et dansé comme ça depuis des années! Vous avez réussi à me donner quelques moments de bonheur et vous avez retrouvé mon Grichou d’amour! Je dois vous récompenser immédiatement. Que pensez-vous d’un bon chocolat chaud et des biscuits que j’ai préparés ce matin même?
- Oh, oui! Merci Madame Noël, s’écrièrent en chœur les trois cousins.
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