HISTOIRES DE CAFÉ
Le café…certains l’aiment fort et concentré au point qu’une cuillère y tiendrait à la verticale, d’autres le préfèrent dilué comme une lavasse insipide ou encore sortant sous pression d’une machine aussi complexe qu’une locomotive. Il y en a qui y ajoutent du sucre, du lait, de la crème fouettée, un zeste de citron ou une goutte de cognac. Le café est une boisson qui s’accommode à tous les goûts des cinq continents et qui possède de nombreuses vertus dont la plus notoire est celle de stimuler l’amitié.
Mais que sait-on des origines du café?
Peu de chose, il est vrai, à part ses origines mythiques quelque part entre l’Éthiopie et le Yémen. Aujourd’hui, la consommation du café s’est répandue à l’échelle du globe et sa popularité ne fléchit pas. Au contraire. Mais il n’en a pas été toujours ainsi. Revenons en arrière, si vous voulez bien.
La légende veut qu’un berger menant son troupeau de chèvres sur les hauts-plateaux du Yémen (ou bien était-ce en Éthiopie?), constata que certaines d’entre elles revenaient plus vives et plus agiles après avoir brouté derrière une certaine colline. Il suivit donc ses bêtes et remarqua qu’elles mangeaient les graines d’un arbuste jusque-là inconnu. Après avoir investigué la chose de plus près, il dut se rendre à l’évidence : cet arbuste avait des effets directs sur le comportement des chèvres qui s’en nourrissaient. Il venait de découvrir par accident certaines des propriétés du caféier : celles qui en consommaient étaient plus énergiques, plus stimulées et plus productives. De là à proposer le café à la consommation humaine, il n’y avait qu’un pas que ce berger téméraire franchit sans hésiter. Pour le plus grand bien de l’humanité.
Bien des années plus tard, ces populaires graines de cafés furent exportées du port de Moka, au Yémen. Le nom de cette boisson tonifiante venait ainsi d’être trouvé!
Mais en cette ère reculée, Starbucks n’existait pas encore et donc l’usage du café fut assez particulier. L’homme à cette époque (ou bien était-ce la femme? ceci reste un point de discorde entre historiens) transformait les graines du caféier en une sorte de bouillie opaque et lourde avec laquelle il enduisait ses aliments ou dans laquelle il faisait mariner ses viandes, conférant au café des vertus médicinales. Un usage pour le moins original qui pourrait sans doute inspirer certains chefs actuels à la recherche d’une authenticité gastronomique.
On dit que par la suite, le café se répandit dans le monde musulman principalement parce qu’il pouvait remplacer le vin et autres boissons alcoolisées. Il y eut même des ulémas rigoristes qui tentèrent d’en défendre l’usage. Au XVIème siècle, par exemple, l’émir de La Mecque convoqua une assemblée de docteurs de la loi pour déterminer si le café devrait être interdit parce que contraire aux Saintes Écritures. Un des ulémas présents affirma tout haut devant son auditoire que « le café est aussi enivrant que le vin ». Mais les membres de l’auguste assemblée jugèrent que cet homme était un hérétique car comparer le café au vin signifiait qu’il avait nécessairement goûté au vin pour en connaitre la toxicité. Il reçut donc la bastonnade. À juste titre!
Fruits du caféier
On raconte qu’au XVIème siècle, des jeunes gens venus du Yémen pour étudier à l’université Al-Azhar du Caire, en Égypte, cachaient dans des coffrets de bois des graines aux vertus très particulières. Ces étudiants préparaient des décoctions spéciales qu’ils ingurgitaient avant les examens, durant leurs études préparatoires. Et miracle, leurs résultats étaient sensiblement meilleurs que les autres étudiants venus d’ailleurs. Jaloux, leurs confrères menèrent une enquête et découvrirent le pot-aux-roses : ces coffrets recelaient des graines de cafés. Les vertus de cette boisson nouvelle permettaient à ceux qui la buvaient de rester éveillés plus longtemps, d’avoir une plus grande acuité des sens, une meilleure mémoire et un haut degré d’énergie. Ils exigèrent d’en avoir aussi, sous peine de dénoncer les Yéménites aux autorités. Bientôt, tous les étudiants buvaient du café, obtenaient de meilleurs résultats et développaient des liens sociaux plus solides. Il n’en fallait pas plus pour que les autorités de l’Al-Azhar ne soient mises au parfum. Comme il fallait s’y attendre, un des ulémas de la célèbre université interdit l’usage du café invoquant, à tort, les Saintes Écritures. Cette défense entraîna des émeutes notoires qui mirent le milieu universitaire à feu et à sang. L’uléma conservateur fut pris en otage et séquestré pendant quelques semaines. Durant cette période, les étudiants manifestèrent certes, mais firent la fête tout en buvant du café.
L’alerte fut donnée et la nouvelle des émeutes du Caire parvint aux oreilles du Calife, à Constantinople. Celui-ci, en homme sage et pacifique, qui recherchait avant tout la quiétude de son harem, décréta que « le café était tout à fait bon pour la santé et agréable à Allah ».
Le célèbre Café El-Fishawy (Le Caire)
La révolte étudiante d’alors, comme celles d’aujourd’hui, entraîna des changements sociaux importants. Les cafés se répandirent dans tout le monde musulman. Au Caire, il y eut vers cette époque du XVIème siècle, plus de mille cafés. Ils devinrent des lieux de rencontre et de socialisation, où tout un chacun pouvait y siroter son café, jouer au tric-trac, se renseigner sur les derniers potins politiques et échanger sur la santé du voisin. Par la suite, ces cafés devinrent des endroits où l’on allait écouter des conteurs et admirer des danseuses du ventre. Mais au cours de l’Histoire, lorsque ces cafés devinrent « le lieu de réunion des mécontents du pouvoir », ils furent fermés sans autre forme de procès.
Il est intéressant de noter que le premier café ouvrit ses portes à Constantinople en 1554, à Venise en 1615 et à Vienne en 1640. De nos jours, quel que soit le village le plus reculé de la planète où l’on se trouve, on peut déguster un cappuccino ou un macchiato de qualité et engager une conversation avec un parfait inconnu, sachant que l’on partage au-delà de toutes les frontières, toutes cultures confondues, la même passion : le café.
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